La boucle est bouclée : La théorie Lauzon à Cannes 2022

17 • 05

La théorie Lauzon de Marie-Josée Saint-Pierre est un court métrage documentaire intrigant : c’est à la fois une étude sur Jean-Claude Lauzon — le mythique « mouton noir » du cinéma québécois et sa trop brève carrière et, comme son titre l’indique, une profonde exploration hypothétique de la relation du cinéaste avec son père.  

Ou, peut-être, de celui qu’il n’a pas eu. 

« Il [Jean-Claude Lauzon] avait honte de son père », dit Saint-Pierre, précisant que l’inspiration pour son essai sur Lauzon lui est venue après avoir discuté avec Claude Fournier, un autre géant du cinéma québécois, lors d’une réception à un festival de films en 2014. « Son père se comportait mal. Il ne voulait pas travailler. Il se tenait dans des bars et se bagarrait souvent. Il a fait de fréquents séjours dans des hôpitaux psychiatriques, et Jean-Claude lui-même était terrifié à l’idée de souffrir d’une maladie mentale… disant même ne pas vouloir d’enfant pour cette raison. » 

Lauzon est un sujet parfait pour Saint-Pierre, professeure en animation à l’Université Laval, car elle est passée maître dans le réalisme animé et la réalisation de films sur des cinéastes (son film sur Norman McLaren, Les négatifs de McLaren, a remporté l’Iris du meilleur film d’animation en 2007). « J’enseigne, ce qui occupe une grande partie de mon temps », dit-elle. « Ça me plaît énormément, car ça me donne le sentiment de transmettre quelque chose à la prochaine génération d’animateurs et d’animatrices. » Dans La théorie Lauzon, elle fusionne deux acteurs de la filmographie de Lauzon — Roger Lebel qui joue le père dans Un zoo la nuit (1987), et Gilbert Sicotte qui a fait la narration du film ainsi que de Léolo (1992) — pour raconter l’histoire, en fin de compte, d’un père songeur à la recherche du fils qu’il a perdu. 

RDV Canada - Portrait - Marie-Josée Saint-Pierre
Marie-Josée Saint-Pierre

C’est vraiment un mélange de différents éléments, et réussir à équilibrer le tout peut s’avérer un réel défi.

C’est un gros défi — et beaucoup de rotoscopie — que Saint-Pierre relève avec une impressionnante créativité et, surtout, une imagination sensible. « Ma façon de faire des portraits n’est plus la même », dit Saint-Pierre, qui déplore le fait qu’il y a peu de séquences filmées sur Lauzon. « Je réalise maintenant qu’on ne peut pas vraiment connaître quelqu’un [juste] à travers les archives. C’est une approche plus expérimentale du documentaire, mais il reste que je suis heureuse de pouvoir prendre le père d’un Zoo la nuit et de le faire interagir avec les archives de Lauzon. » 

De ce qu’elle a réussi à compiler, les archives sont effectivement fascinantes. Outre des scènes tirées de l’œuvre de Lauzon, Saint-Pierre a découvert des clips HD du cinéaste où il s’exprime avec franchise au sujet de l’industrie, et ses opinions sur le financement des films canadiens demeurent pertinentes (« Jean-Claude Lauzon gagnait sa vie grâce à la publicité, et non au cinéma », indique Saint-Pierre). Ces séquences sont captivantes en elles-mêmes, mais superposées aux animations originales dessinées à la main par Saint-Pierre, elles prennent vie et ont quelque chose de mythique. « Mettre toutes les techniques ensemble et faire en sorte qu’elles s’harmonisent est un long processus, parce que ça pourrait ressembler à une grosse poutine », dit Saint-Pierre à la blague. « C’est vraiment un mélange de différents éléments, et réussir à équilibrer le tout peut s’avérer un réel défi. » 

Le court métrage de Saint-Pierre est présenté ce mois-ci dans le cadre du volet Cannes Court Métrage du Festival de Cannes, un événement qui a catapulté la carrière de Lauzon sur la scène internationale après avoir lancé la Quinzaine des Réalisateurs en 1987 (Un zoo la nuit) et concouru pour la Palme d’or en 1992 (Léolo). Nous voyons des scènes où Lauzon foule le tapis rouge, donnant d’autant plus un caractère « méta » à La théorie Lauzon et l’impression que le film « boucle la boucle », comme dit Saint-Pierre. « J’ai fait ce film 30 ans après [la première de Léolo] », d’ajouter la cinéaste. « Le but, c’est que les gens sortent et qu’ils aillent revoir ses films. » 

La théorie Lauzon est l’un des sept courts métrages sélectionnés pour « Générations », dernière itération du programme Talent tout court de Téléfilm Canada. En plus d’enseigner, Saint-Pierre est en train de développer un long métrage qui retrace l’histoire des créatrices féministes au Québec. 

JAKE HOWELL

Jake Howell est un auteur de Toronto et un programmateur de films à la pige. 

Dans la même catégorie

Les films canadiens et autochtones à découvrir au TIFF 2024

RDVCANADA I Animations 2024

La Presse à la 74e Berlinale – Les beaux malaises

Un souvenir qui s’efface : The Cut à Clermont-Ferrand 2024

Une courtepointe de courts métrages : Talent tout court à Clermont-Ferrand 2024

Le cinéma canadien scintille au TIFF 2023

ROJEK : Le choix du Canada pour l’Oscar® du meilleur film international

Étude Créer des réseaux inclusifs dans l’industrie du cinéma et de la télévision : Interview avec Nauzanin Knight

Annecy 2023 – “Adam change lentement” acquis en France

Énoncé de collecte

de renseignements personnels

Infolettre RDVCanada

Afin de procéder à votre inscription à l’infolettre, nous devons obtenir certains renseignements personnels à votre sujet. Le présent énoncé explique pourquoi ces renseignements sont nécessaires et à quoi ils serviront.

Inscription à l’infolettre

Les renseignements personnels sont collectés afin de vous inscrire à l’infolettre pour que vous puissiez recevoir de l’information par courriel. Ces renseignements comprennent notamment votre adresse de courriel, votre nom, votre préférence linguistique ainsi que votre emplacement (province et pays. Les renseignements personnels liés à votre inscription transigeront par la plateforme CakeMail, laquelle permet le traitement et l’hébergement de l’information au nom de Téléfilm Canada, en conformité avec les politiques de ce fournisseur de services disponibles au(x) lien(s) suivant(s) : https://www.cakemail.com/ca-fr/conditions-dutilisation; https://www.cakemail.com/ca-fr/politique-de-confidentialite.

La cueillette et l’usage fait des renseignements personnels sont conformes aux dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels et sont en lien avec la mission de Téléfilm Canada telle que spécifiée à l’article 10 de la Loi sur Téléfilm Canada. Ces renseignements peuvent être utilisés à des fins d’évaluation, de compilation de statistiques et d’établissement de rapports. Ces informations sont versées dans le fichier de renseignements personnels Communications publiques (POU 914).

Demande d’informations sur la vie privée

Si vous avez une question, un commentaire, une préoccupation ou une plainte au sujet de l’application de la Loi sur la protection des renseignements personnels et des politiques connexes, veuillez communiquer avec le coordonnateur de la protection des renseignements personnels de Téléfilm Canada par courriel à ATIP-AIPRP@telefilm.ca, par téléphone au (514) 283-6363 ou (800) 567-0890, par télécopieur au (514) 283-8447, ou en écrivant à :

Coordonnateur de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels
Téléfilm Canada
360, rue Saint-Jacques, bureau 600
Montréal (Québec) H2Y 1P5

Si vous n’êtes pas satisfait(e) de notre réponse à l’égard de vos préoccupations au sujet de la protection de vos renseignements personnels, vous pouvez communiquer le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada par courriel, à : info@priv.gc.ca ou par téléphone, au (800) 282-1376.