Générations : Talent tout court à Cannes 2022

25 • 04

Plus qu’un regroupement d’âges relatifs, une génération peut représenter une nouvelle croissance, une vague d’artistes ou une branche d’un arbre généalogique. Cette sélection de sept courts métrages canadiens (disponible par le Cannes Court Metrage VideoLibrary), dernière itération de l’initiative de Téléfilm Canada Talent tout court, explore ces idées et plus encore. 

Des parents qui parlent avec leurs enfants adultes ; des jeunes qui parlent avec leurs parents. Sans le vouloir, un élément commun a commencé à émerger de la dernière sélection du programme de Téléfilm Talent tout court : des personnes – enfants et adultes – se retrouvent dans des situations les opposant à une tranche d’âge immédiatement plus âgée ou plus jeune que la leur. 

Cette interaction entre les générations m’a interpellé et, en y réfléchissant, j’ai compris le sens du mot “génération”. Une génération n’est pas seulement un regroupement d’âges relatifs. C’est aussi la prolifération d’une nouvelle croissance ; c’est l’idée floue d’une vague d’artistes. C’est la branche d’un arbre généalogique. 

Dans Maundy d’Adriana Marchand – un court métrage qui, par son ambiance douce et estivale, rappelle les barbotines glacées – un employé de nettoyeur à sec perdu et sans but fait une rencontre décalée avec deux garçons effrontés, dont il rencontre plus tard la mère. Fâchés, les garçons tentent de poursuivre en justice ce teinturier nostalgique. Malgré les événements étranges et amusants qui s’ensuivent, il apprend à les connaître un peu mieux et à trouver un sens à leur vie.  

Dans Nanitic, de Carol Nguyen, deux jeunes filles, Mai et Trang, passent un après-midi chez leur tante Ut à jouer, à manger des bonbons et à s’occuper de leur fourmi de compagnie (son boîtier a besoin de trous d’aération, décident-elles ; elles se faufilent pour trouver une solution). Ailleurs dans la maison, la grand-mère de Trang se repose sur son lit de mort ; Ut s’occupe d’elle avec soin. Au fur et à mesure que ces tranches de vie – certains honnêtes, d’autres mignons – se déroulent, ce court métrage (et son titre, qui fait référence à la petite taille de certaines fourmis ouvrières) résonne tranquillement.  

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De gauche à droite : Adriana Marchand, Carol Nguyen et Maxime Robin

La main gauche est le tour de force de Maxime Robin sur l’identité sexuelle et l’expression de soi. Mettant en scène un scénario qui représente une version dramatisée de lui plus jeune – ayant été identifié par son professeur de deuxième année comme n’étant “pas normal” – Robin revisite à l’âge adulte un souvenir de classe de sa jeunesse, en interprétant de façon remarquable la chanson “De la main gauche” de Danielle Messia de 1982 (“Je n’ai jamais eu d’adresse / Rien qu’une fausse identité“) pour remplacer ce passé par son avenir.  

Une intégration autobiographique similaire se produit dans Underpaint, l’hommage d’Anna Hopkins à Tom Hopkins, un artiste visuel canadien qui se trouve aussi à être son défunt père. En écrivant et en réalisant une version d’elle-même, Anna remarque une jeune fille et son père dans une galerie d’art, ce qui l’amène à réfléchir à sa relation avec son père et à l’ensemble de son œuvre. (“J’écoute aux portes des musées maintenant”, dit-elle. “Peut-être que j’espère l’entendre à nouveau”). Une séquence montre Anna en train d’énumérer les choses qu’elle devrait faire pour commémorer correctement l’œuvre de son père – un site web, peut-être. Ce court-métrage, un coup de génie, y parvient certainement. 

À quelques heures de route au nord-est de Toronto se trouve la pittoresque vallée du Madawaska, un coin de campagne ontarienne où, en été, les habitants et les propriétaires de chalet profitent des lacs, du soleil et de l’odeur de la fougère dans l’air. Le côté sauvage de ce canton est également la scène de Druh d’Aaron Ries, un court métrage qui suit trois scouts et leurs chefs scouts campant dans les bois frais de la vallée en automne. Mais ce n’est pas un voyage ordinaire : ces scouts essaient d’obtenir un badge très convoité, et alors qu’ils s’aventurent dans la brousse au milieu des pressions intenses de la compétition et de l’enfance, les choses prennent une tournure sombre et inquiétante. 

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De gauche à droite : Anna Hopkins, Aaron Ries, Simon Plouffe et Marie-Josée Saint-Pierre

Que sont les arbres sinon des sentinelles silencieuses, gardiennes du temps et des générations de la terre ? Le mot « primitif » n’est pas utilisé à la légère, mais il convient bien à Forests de Simon Plouffe, un documentaire qui révèle les pins blancs enfouis dans un réservoir hydroélectrique en territoire innu non cédé. Alors que les voix de la communauté racontent les histoires de ces anciens, les photographies sous-marines de Forêts (et leur pertinence contemporaine) deviennent une expérience audiovisuelle sans pareille. 

Avant sa mort prématurée en 1997, Jean-Claude Lauzon était, avec seulement deux longs métrages à son actif, fréquemment salué comme un membre éminent de la nouvelle génération du cinéma canadien. En effet, dans le recueil d’essais Great Canadian Film Directors (2007), Jim Leach écrit : « L’impact [de Lauzon] est peut-être le plus visible dans le travail d’un groupe de jeunes cinéastes dont les films combinent une surface visuelle éblouissante avec des structures narratives disloquées qui puisent dans l’inconscient » , influençant peut-être des films comme Maelström (2000) de Denis Villeneuve et La Turbulence des fluides (2002) de Manon Briand. Dans La théorie Lauzon de Marie-Josée Saint-Pierre, un documentaire hybride fantastique, Saint-Pierre fusionne des animations et des séquences originales avec des extraits de l’œuvre et des apparitions publiques de Lauzon pour, en fin de compte, revenir sur l’enfant terrible du cinéma québécois et psychanalyser sa relation avec son père. 

Si l’on en croit le film primé de Lauzon, Piwi (1981), le court métrage peut annoncer le début de quelque chose de grand – une carrière, un mouvement, une génération. Après leur projection au Cannes Court Métrage le mois prochain, j’espère vivement que l’un de ces courts métrages (ou tous), qui ne sont que sept des nombreuses œuvres formidables soumises au programme Talent tout court de cette édition, inspirera exactement ce genre de conversations. 

Le programme Talent tout court Canada est disponible par le Cannes Court Metrage VideoLibrary. Les participants assisteront au Short Film Corner 2022 en ligne et sur place. Pour de plus informations, veuillez contacter : clemence.bradley@telefilm.ca  

JAKE HOWELL

Jake Howell est un scénariste et un programmateur de films indépendant de Toronto.

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