C’est compliqué : Talent tout court à Cannes 2023

20 • 04

Une drôle de chose est arrivée en décembre dernier : avec l’arrivée de la nouvelle année, l’intelligence artificielle semblait dominer toutes les conversations – IA par-ci, IA par-là (IA tout, partout, tout à la fois).

Je ne serai pas surpris lorsque ces avancées feront une incursion dans le domaine du cinéma – et je crois que c’est déjà chose faite – mais je m’attends aussi à une réaction de la part du monde du cinéma, les créatifs écrivant des scénarios et inventant des histoires qui s’attaquent au sujet. Car c’est ce que font les artistes.

Tandis que ces conversations se poursuivaient un peu partout sur la toile, je regardais les courts métrages canadiens de la nouvelle édition de Talent tout court. Si des spécialistes et des experts en technologie ont donné leur avis sur d’incroyables réalisations et leurs impressionnantes capacités computationnelles, de l’autre côté de la médaille, je m’émerveillais des complexités de la vie humaine, des subtilités des dynamiques interpersonnelles, et des sentiments exprimés / non exprimés qui nécessitent des niveaux similaires de calcul intensif — des niveaux similaires de traitement intense (et intensif).

Les humains. Nous sommes compliqués! Mais apprécier ces sept nouvelles œuvres qui feront partie du programme de Cannes Court Métrage le mois prochain ne l’est certainement pas.

Dans 100 Days de Derek Kwan, une jeune sino-canadienne qui a une grande nouvelle à annoncer assiste, avec son nouvel amoureux, à un banquet de dix services en l’honneur des cent premiers jours de son petit neveu. Parmi les invités? La famille élargie… dont un convive inattendu. Il va sans dire que les couteaux volent bas et que la culpabilisation est de la partie, et alors que les réparties vives et amusantes fusent autour de la table, Kwan jongle avec le tout avec une verve truculente.

Quand est-ce qu’une intégration devient une initiation? Dans la même veine que Sa majesté des mouches, Les rois d’Olivier Côté suit deux nouveaux moniteurs dans un camp de vacances qui se joignent à une institution où la bière coule à flots. Une des activités traditionnelles du camp, « le concombre », est aussi subtile qu’un émoji d’aubergine, et pour les deux garçons jetés dans les eaux dégrisantes de la pression et de l’embarras propres à cette initiation, les émotions qui font surface montrent que ce n’est pas tout le monde qui s’amuse.  

Naviguer dans les sentiments amoureux, c’est délicat. C’est délicat lors d’un appel interurbain, en cuisinant un repas, en se préparant pour une sortie, en passant d’une langue à l’autre et – dans le pire des cas – en parlant à une amie dont vous êtes amoureuse. Et comme si ce n’était pas déjà assez compliqué, la scénariste et réalisatrice Teyama Alkamli a opté, avec Je ne t’ai jamais promis un jardin de jasmin, pour de longues prises ininterrompues afin de capter dans leur intégralité toutes ces circonvolutions (et plus!), donnant lieu à une réflexion riche, souvent douce-amère sur la nature déroutante de l’amour.

La paréidolie est un phénomène où les humains voient des motifs, parfois des visages, dans des objets de tous les jours. L’avenir au-dessus de nous de Vanessa Magic élève cette illusion jusqu’aux étoiles : si notre planète était un jour frappée par une catastrophe d’une ampleur galactique et que tous les humains disparaissaient de la surface de la Terre, à quoi, alors, ressemblerait la connexion humaine? (Et qu’en est-il de la paréidolie à l’ère des avatars alimentés par l’IA?) Alors que dans certaines histoires de science-fiction, l’avenir est gris et froid, celui de Magic demeure chaud, rempli de couleurs vives, d’un amour des petites choses, et met en lumière la créativité humaine.

L’univers matinal paisible de 6 minutes/km de Catherine Boivin, un documentaire expérimental où la réalisatrice nous entraîne avec elle dans ses courses aux aurores, peut sembler solitaire, mais la route qu’elle emprunte est animée par les réflexions de ses ancêtres attikameks. « Je pense quand je cours » dit Boivin en attikamek, une langue qu’elle a peur de perdre. « Je me rends compte que je suis à court de mots ». Malgré une durée d’environ trois minutes, le documentaire onirique, kaléidoscopique de Boivin en dit très long.

Armée d’un scénario hilarant de Veronika Gribanova, Knox, une cinéaste qui s’intéresse aux anxiétés et aux sensations fortes que provoque la culture en ligne, dépeint l’idée de l’auto-annulation dans Les comédiens, un film au rythme enlevant du genre « saute dans la voiture je t’expliquerai en chemin » à propos de deux créateurs perpétuellement en ligne (dont l’un est interprété par Gribanova) qui craignent qu’une récente « blague » qu’ils ont téléversée ne mette fin à leur carrière. Je veux dire, leur vidéo attire littéralement des dizaines de vues! Devraient-ils engager un avocat? Émettre des excuses? Devraient-ils… en publier d’autres?

Enfin, cette édition de Talent tout court se termine avec Joie de vivre de Dada, un gouffre de turbulence émotionnelle provoqué par une simple question : « Ça va? » Pour répondre à la question de Trevor, son amoureux, bien sûr qu’Elsa n’a pas de maladie grave – alors on peut dire qu’elle va bien de ce point de vue. Mais qu’en est-il de son « appel du vide »? De ses désirs? De ses ambitions? De ses contradictions? De sa relation avec sa mère? Évelyne Brochu prête sa voix aux pensées intérieures d’Elsa, comme si Elsa n’était pas encore prête à les verbaliser elle-même.

Peut-être qu’un jour, les ordinateurs seront là pour nous aider à mouliner ces situations quantiques, ces superpositions émotionnelles, de l’amour, de la vie, de la famille, de la connexion. D’un autre côté, ces sept films canadiens sont un rappel éloquent du pouvoir et de l’audace d’un esprit humain actif.

Les 7 courts-métrages Talent tout court du Canada seront disponibles via la vidéothèque de courts métrages de Cannes et seront projetés dans le cadre de la programmation de Short Film Corner le 22 mai. Les participant.e.s assisteront au Short Film Corner 2023. Pour de plus amples renseignements, veuillez contacter : ann-marie.picard@telefilm.ca.

JAKE HOWELL

Jake Howell est un auteur de Toronto et un programmateur de films à la pige.

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