On pourrait décrire The Cut de Molly Flood en un mot : glissant. Dans le sens de quelque chose de difficile à retenir, ou quelque part de potentiellement dangereux. Peu importe le sens, c’est la description parfaite pour ce film qui raconte une trop courte traversée en canot vers un chalet isolé sur une île, à des heures de l’hôpital le plus près, ce que deux femmes préparant le souper réaliseront à la suite d’un geste malhabile avec un couteau.
« Devrions-nous rester ou partir? », dit Flood, qui explique que son film est coupé de façon qu’il soit elliptique de nature grâce au montage de Maria Todorov-Topouzov (« j’adore son rythme qui est un peu plus rapide que le mien », dit-elle), et qui tente de traduire le sentiment de nostalgie qui nous prend à souhaiter que l’été ne finisse jamais. « Nous cherchions un rythme qui rappelle un souvenir qui s’efface, le temps qui file, à l’image des étés canadiens », mentionne Flood. « Nous échappions à la sentimentalité. Si nous continuions à avancer, nous pourrions ressentir la tension dans la question posée ».
La question posée est certainement « tranchante ». Devraient-elles faire plus que de mettre un bandage? Encore plus difficile : est-ce que l’effort en vaut la peine?
Comme mentionné, The Cut est glissant : lorsqu’on observe plus attentivement la relation des deux femmes à l’écran (interprétées par Chala Hunter et Molly Flood, enceinte de huit mois au moment du tournage), on remarque que les mêmes questions se posent. Alors que leurs chemins sont sur le point de diverger, laisseront-elles leur amitié leur glisser entre les doigts? Essaieront-elles de la raviver ou en feront-elles le deuil pour passer à autre chose?
« Ce film est profondément personnel », raconte Flood. « Je craignais de perdre des amis après avoir eu mon bébé, ce qui est finalement arrivé, mais ça n’a pas été aussi tragique que je le croyais. Les deux premières années passent rapidement, et finalement, les amis se retrouvent, mais le lien n’est plus tout à fait le même. Je crois au changement et à la réconciliation ».
Soudainement, le titre du film suggère un type différent de coupure : les liens avec certaines personnes dans nos vies. « L’amitié, c’est profondément important pour moi, mais souvent, elle est moins valorisée que les relations amoureuses. La relation est différente, mais la peine peut être tout aussi intense. », révèle Flood.
Il est rafraîchissant de voir autant d’intensité, alors que les enjeux sont beaucoup moins importants qu’ils auraient pu l’être (la blessure profonde causée lors de la préparation du souper n’est pas la fin du monde). Flood précise que la décision de ne pas mettre l’emphase sur le danger était au cœur de la démarche créative. « J’ai grandi en regardant beaucoup de « films coming-of-age » qui racontaient souvent les aventures de jeunes garçons dans la nature sauvage devant faire face au danger dans des conditions extrêmes », dit-elle, en se demandant pourquoi la grossesse n’est pas considérée comme une étape initiatique en soi. « Alors que je traversais l’une des plus grandes transitions de ma vie, j’ai commencé à penser à comment la perte de soi ou d’une relation profonde est semblable à la vie et à la mort, et qu’une telle perte nécessitait un deuil. En tant que cinéaste, mon défi est devenu le suivant : comment rendre un voyage intérieur émotionnel cinématique sans faire référence à la jeunesse et à la mortalité? ».
The Cut était l’un des sept courts métrages du programme Talent tout court, propulsé par Téléfilm Canada, lors du Marché du film court de Clermont-Ferrand de 2024. Par ailleurs, Molly Flood et la productrice Breann Smordin travaillent actuellement au développement d’un premier long métrage.